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Ce que dit Rose
17 octobre 2007

Les amours d’Astrée et de Céladon

J’étais très curieuse de voir cette rareté : l’adaptation d’un roman très célèbre (un modèle de galanterie) mais jamais lu, la faute à ses milliers de pages et à ses vingt ans d’écriture, à ses multiples histoires secondaires, bref : à ses longueurs. Et, qui plus est, par un cinéaste, Eric Rohmer, qui ne risquait pas de nous imposer une fastueuse reconstitution en images de synthèse des fastes du Ve siècle druidique.

Il faut accepter d’entrée de pénétrer dans un univers extrêmement artificiel : l’action se passe donc au Ve siècle, au temps des druides et des Gaulois, mais ce petit monde qui résiste à l’envahisseur romain porte des prénoms de roman grec (Lycidas, Phyllis) et possède dans ses sanctuaires des statues bien connues comme l’Hercule Farnèse par exemple. Les personnages sont affublés de tenues étranges pour les garçons (de grandes robes portées avec une ceinture) et de jolies robes transparentes associées à des tuniques de couleur tendre, taille empire, très « duchesse de langeais » et très jolies d’ailleurs (comme le soulignait Patoumi). Pour couronner le tout, ils parlent la langue du XVIIe siècle, on se croirait en plein tournage d’une adaptation télé de Racine. Tous ces gens sont censés être bergers, mais on les voit fort peu avec leurs bêtes, comme dans toute la littérature pastorale, et ils ne cessent de disserter sur l’amour ; le frère de Céladon vante, en jetant des regards amoureux à sa belle brune, la fidélité amoureuse, avec des arguments platoniciens, tandis qu’un barde, avec des yeux qui roulent et en s’entourant de deux belles filles, lui répond que l’amour terrestre vaut tout autant et qu’il peut être goûté auprès de plusieurs belles. Parfois aussi on analyse des œuvres d’art, comme un tableau du jugement de Pâris (lequel semble dater de la Renaissance). On y conserve précieusement le portrait de la bien-aimée, comme dans la Princesse de Clèves. Comme le duc de Nemours d’ailleurs, Céladon surprend sa bergère endormie lascivement dans la forêt, et il ne peut assez rassasier ses yeux de cette vision (il voudrait être Argus).
Toute l’intrigue pose le problème de la fidélité amoureuse : Astrée a cru que son beau Céladon la trompait et elle l’a repoussé, lui interdisant de paraître de nouveau à ses yeux ; Céladon est allé se jeter à la rivière. Il est sauvé par des nymphes, mais il ne vit que pour son amour. Comment les réunir, puisqu’il ne doit plus se montrer à elle et qu’il tient à lui tenir parole, puisqu’elle l’a ordonné ?
La solution trouvée est le travestissement, dont Céladon devient un spécialiste : c’est sous un déguisement féminin qu’il fuit la nymphe qui l’a recueilli et qui entend l’épouser (cette fille de druide semble une réincarnation de Calypso ; elle recueille le « naufragé » et entend le garder prisonnier le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’il accepte de son plein gré de rester et de l’épouser ; comme l’île de Calypso, le château de la jeune femme semble une terre enchantée, un jardin complexe) ; on dit qu’il a pris le déguisement d’une fille dans une représentation du jugement de Pâris, pour pouvoir embrasser la jolie Astrée qui jouait Vénus ; et c’est encore sous les traits d’une fille qu’un druide le présente à Astrée en pèlerinage. La même ambiguïté que dans les pièces à travestissement de Shakespeare naît et amène les personnages à ressentir une trouble attirance…
L’acteur qui joue Céladon est un beau garçon aux traits fins et au jeu convaincant ; Astrée par contre joue avec une pointe de fausseté qui empêche de la voir en amoureuse solaire…
C’est un peu long, difficilement crédible, parfois amusant (toutes les filles venues au sanctuaire pour une cérémonie religieuse doivent dormir dans la même chambre ; quel stratagème trouver pour que Céladon ne soit pas découvert ? résistera-t-il à Astrée, si proche, au si beau sein ?), et finalement assez agréable.

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Commentaires
R
Si tu as encore le livre en tête, je comprends tes hésitations, d'autant qu'on ne peut pas dire que le rythme soit endiablé ; mais je ne m'y suis pas ennuyée.
P
J'hésite beaucoup à aller voir ce film depuis sa sortie... Peut être attendrais-je le DVD ? J'ai un peu peur de m'ennuyer pour tout dire.
R
erzébeth, merci ;)
E
Te lire est un véritable petit bonheur, Rose, tes billets sont toujours bourrés de charme.<br /> Ce film ne me tente pas, mais j'ai pris grand plaisir en te lisant à ce sujet ! :-)
R
voilà un reproche étrange...
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