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Ce que dit Rose
27 octobre 2007

Loups-garous, super-héros, et autres princes charmants

,J’avais lu et aimé La Compagnie des loups (The bloody chamber), recueil de nouvelles d’Angela Carter.
Je reviens avec l’adaptation cinématographique du conte-titre, scénarisée par la conteuse elle-même et filmée par Neil Jordan (souvenez-vous, Entretien avec un vampire…).
DSCN1276
Le film, à la manière des livres de contes comme les Mille et une Nuits ou selon la tradition des nourrices, enchâsse de multiples récits : une adolescente, Rosaleen, rêve que sa sœur est tuée par un loup et qu’elle est recueillie quelque temps par sa grand-mère, qui habite au bout du chemin dont il ne faut pas s’écarter, dans la forêt. Sa grand-mère lui raconte l’histoire d’une femme, épouse d’un homme dont les sourcils se joignaient et qui était en fait un loup-garou. Elle met en garde sa petite-fille contre les loups « velus à l’intérieur », tout en lui tricotant un beau manteau de laine rouge. D’autres histoires viendront compléter cet avertissement : l’histoire de l’homme qui reçoit un cadeau du diable, l’histoire de la femme venue se venger d’avoir été engrossée et abandonnée par un notable du coin, qui provoque la métamorphose de toute une assemblée, et enfin l’histoire de la femme-louve, racontée par Rosaleen au loup-garou qui l’a séduite, lorsqu’enfin elle s’est risquée seule dans le bois. Je ne vous dis pas comment se termine l’initiation de ce petit Chaperon rouge, mais comme toujours chez Angela Carter, l’héroïne renonce à la peur et assume l’ambiguïté de ses sentiments pour le bestial séducteur.
Ce qui m’a plu (et déçue à la fois, car c’est assez éloigné de la belle écriture d’Angela Carter), c’est que le film montre la parenté entre contes terrifiants et films d’horreur. Il nous fait rentrer dans un univers quotidien : des parents se plaignent de ne plus arriver à parler à leur fille, qui dort à l’étage, les lèvres peintes au rouge à lèvres de sa sœur, dans un tee-shirt à cœurs ; mais cet univers est aussi envahi de signes mystérieux : les petits animaux comme les crapauds, hérissons, sont omniprésents dans les premiers plans, la demeure de la famille est une sorte de château et notre Cendrillon dort sous les combles, elle est affublée d’une sœur odieuse qui la traite de peste et qui est vêtue en nouvelle Alice, robe blanche 19e, bottines rouges… On comprend que Rosaleen ait envie de s’en débarrasser dès la 2e séquence, dans un cauchemar mi-effrayant mi-grotesque où les jouets de la chambre de Rosaleen prennent vie (et une taille géante) et poursuivent Alice dans la forêt, relayés par les loups qui finissent par la cerner…
En bref, le film d’horreur réinvestit les angoisses liées à l’adolescence : le début m’a fait penser à Carrie, sa peur face aux transformations de la puberté, et face aux « loups » que sont les garçons de son lycée. Mais au lieu de montrer comment elles peuvent être dépassées, le film d’horreur pousse à bout l’héroïne, jusqu’à ce que, dans une explosion de violence, elle se libère d’une façon destructrice des frustrations accumulées… (je vous rassure, la fin de "La Compagnie des loups" n’est pas aussi expéditive…) La soupape de sécurité pour le spectateur, c’est le grotesque, dont n’est pas exempt le film – d’autant que les effets spéciaux dans les métamorphoses accusent leurs vingt ans d’âge.
Dans un autre genre, lui aussi destiné aux teen-agers, ce sont les super-héros qui deviennent la métaphore des tourments de l’âge ingrat. Cette semaine, je n’ai pu m’empêcher de regarder comment s’en sortait HellBoy, le diablotin soixantenaire dont le cœur appartient à une jeune fille névrosée, que la colère transforme en femme-torche, sans qu’elle puisse contrôler les dégâts causés par sa furie (Carrie, Carrie, quand ta malédiction prendra-t-elle fin ?). Il s’en sortait mal, obligé d’épier les rendez-vous de sa bien-aimée depuis les toits et d’écouter les conseils d’un tout jeune garçon en partageant le verre de lait de son goûter et d’énormes cookies… Babysitté par un jeunot qui voulait lui piquer sa belle, il ne cessait de sauver le monde sans parvenir à sortir de l’enfance et de la soumission à son « père », le savant qui l’avait découvert…
Difficulté à se libérer de la parole des adultes, à vivre sa différence, peur de la bête en soi, ou des forces déchaînées qui nous habitent, voilà les contes de notre temps.
Loup-garou, monstre, mutant, le prince charmant a vraiment du plomb dans l’aile… mais la princesse aussi a son côté grenouille.

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Commentaires
R
Profite d'Halloween pour regarder un bon film d'horreur ; et celui-là est un peu mieux que la moyenne ! ;)
L
Tiens ça me dirait bien ça ! C'est le genre de films que je n'ai pas vu depuis un certain temps et qui me manque un peu ! Merci pour cette découverte :o)
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