mes voeux et vos voeux
Pour qu’un voyage soit réussi, il faut que la relative monotonie du trajet en voiture soit compensée par une lecture appropriée ou un programme de radio stimulant. Cette fois-ci, pendant que nous traversions la rase et grise campagne, nous avons voyagé aussi en écoutant le président d’une association d’explorateurs raconter les exploits d’Alain Bombard parti sans vraiment savoir naviguer prouver qu’on pouvait survivre sans eau en cas de naufrage, ou l’expérience de la vie dans une caverne, et comment l’organisme du cobaye adoptait un rythme journalier sur 48 heures. Au retour, suivant mes propres conseils (!), je me suis plongée dans le roman de Tournier Gaspard, Melchior et Balthazar, et j’ai suivi avec fascination le roi nubien, Gaspard, qui, espérant guérir le mal d’amour, traverse l’Egypte et y voit mille merveilles horribles, un cadavre d’hippopotame éventré dont sort un petit garçon nu rouge de sang qui éclate de rire en le voyant, ou la statue de Memnon qui, dit-on, chante à l’aube, quand sa mère l’Aurore le couvre de larmes de rosée. Il fait aussi l’éloge de son mode de locomotion (le chameau) :
Cette allure balancée – les deux membres droits avancent ensemble, tout le corps de l’animal étant rejeté sur la gauche, puis les deux membres gauches avancent à leur tour, cependant que tout le corps se rejette vers la droite – est propre aux chameaux, aux lions, aux éléphants, et favorise la méditation métaphysique, tandis que l’allure diagonale des chevaux et des chiens n’inspire que des pensées indigentes et des calculs bas. (Mon Dieu, que dire du glissement assoupissant de l’automobile ?)
Me voici donc bien rentrée, ayant échangé le contenu de ma hotte contre les surprises du sapin. Surprises aussi bien littéraires que culinaires :
Littérature et gourmandise de François Desgrandchamps a tout pour me plaire, il associe un extrait d’une œuvre de la littérature française à une recette mise au point par un chef. Il s’agit souvent de mets très simples, comme le pain et le fromage que commande Jean Valjean aux Thénardier ; j’y ai aussi retrouvé avec plaisir les écrevisses que dévorent les héros des Enfants terribles (qu’est-ce que j’ai aimé ce roman !) ou le melon du Blé en herbe.
Certaines recettes par contre me surprennent, comme le gâteau de Peau d’Âne que je n’imagine pas comme une galette des rois, ou les rôties au sucre de Jacques le Fataliste, que je voyais comme des gâteaux…
Et j’ai découvert avec amusement que (les grands esprits se rencontrant) l’auteur appréciait aussi la polenta du Hussard sur le Toit. Mais, plus prudent que moi, il en propose une version salée en toast nappés de tapenade…
J’espère que vous avez passé vous aussi de belles fêtes de Noël et je profite de ce dernier billet de l’année pour souhaiter à tous une superbe année 2008 : à mes lecteurs réguliers, bavards ou non, et aussi à mes lecteurs de hasard, source inépuisable de poésie et de burlesque quand je vais faire un tour dans les requêtes amenant à ce blog.
Beaucoup viennent ici dans l’espoir secret que je leur ferai leurs devoirs et que je répondrai à l’embarrassante question : « quelles sont vos impressions personnelles sur L’Assommoir / Le Ventre de Paris / etc etc ? » ou me demandent naïvement : y a-t-il de l’amour dans Le Hussard sur le toit ? J’espère t’avoir montré que oui, visiteur indiscret.
Comme j’ai parlé de quelques livres d’auteurs italiens ou se déroulant en Italie, je suis ces derniers jours assaillie de requêtes linguistiques et comme celles-ci sont bien légitimes voire vitales, et qu’elles composent une curieuse conversation, je veux faire plaisir à ce lecteur-là :
Comment dit-on manger en italien : mangiare
Comment dit-on je regrette en italien : (je ne sais pas, je regrette)
Comment dit-on ça va en italien : va bene
Certains vœux par contre me laissent rêveuse et je ne me risquerais pas à tenter de les exaucer : pas de nounours vivant dans une cave, pas de bonhomme de neige en pleurs ici.
Mais, généreusement, je répondrai à une ultime question : l’un de mes visiteurs de hasard cherche une chanson, « J’ai vu Agathe et ses vrais cheveux de fille ». Ah. Inconnue de moi, mais si quelqu’un connaît cette perle de la variété française, qu’il n’hésite pas à se manifester.
Fouillant cependant dans mes archives, je peux lui montrer la chevelure d’Agathe peinte par Lanfranco. Natte enroulée autour de la tête, coiffure sage.
Mais est-ce une vraie coiffure de fille ?
Pour quelque chose de plus fou, sachez que la jeune sainte aux vrais cheveux de fille, c’est Marie-Madeleine. C’est avec ses cheveux qu’elle essuie les pieds du Christ, et puis cette pilosité exacerbée est signe de la femme pécheresse (mais finalement humaine).
Version encore plus folle : Marie l'égyptienne, encore une pécheresse repentante, retirée au désert…
Sur ce, bon réveillon et à l’année prochaine !
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