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Ce que dit Rose
2 avril 2008

La cuisine des mères, la cuisine des pères -repas dominical 20

Revenons encore un peu sur les figures nourricières.
Nourrice ?

d_esse_m_re

Version divinisée et superlative, petite statuette de déesse-mère, un enfant à chaque sein.

nourrice_2

Détail d’un tableau normand représentant des enfants mis en nourrice. La jeune femme est assise sur un fauteuil aux tapisseries usées sans doute obtenu par charité. Les enfants sont placés dans ces paniers, sortes de porte-parapluies où ils peuvent tenir debout mais qui les empêchent de se déplacer à leur guise.
A côté de l’âtre, dans un coin du tableau, un surprenant désordre de légumes, chou, poireaux, oignons, navets, signes de la soupe qu’elle confectionnera plus tard, nature morte inattendue.

Version publicitaire : double ration ! Maman, tu es un ange, tu fais si bien les gâteaux, multicouches et même à pois.
angelo2sei_un_angelo

Lait, soupe qui fait grandir, gâteau qui fait plaisir ; ou plutôt, comme le dit Albert Cohen :
O mon enfance, gelée de coings, bougies roses, journaux illustrés du jeudi, ours en peluche, convalescences chéries, anniversaires, lettres du nouvel An sur du papier à dentelures, dindes de Noël, fables de la Fontaine idiotement récitées debout sur la table, bonbons à fleurettes, attentes des vacances, cerceaux, diabolos, petites mains sales, genoux écorchés et j’arrachais la crûte toujours trop tôt, balançoires des foires, cirque Alexandre où elle me menait une fois par an … goûters de pain et de chocolat, noyaux d’abricots thésaurisés, boîtes à herboriser, billes d’gate, chansons de Maman, leçons qu’elle me faisait repasser le matin, heures passées à la regarder cuisiner avec importance, enfance, petites paix, petits bonheurs, gâteaux de Maman, sourires de Maman, ô tout ce que je n’aurai plus, ô charmes, ô sons morts du passé, fumées enfuies et dissoutes saisons. 

Et les pères dans tout ça ? Ne passent-ils jamais par la cuisine ? peut-être exceptionnellement, et pour des plats tout simples. C’est le cas du mien, dont les frites (réalisées une fois, dans ma toute petite enfance, je me rappelle l’avoir vu plonger les tronçons de pomme de terre dans l’huile brûlante) sont restées mythiques.
J’ai retrouvé ce souvenir en lisant l’une des nouvelles du recueil de Banana Yoshimoto : « La cuisine de Papa ».  La narratrice est une jeune femme blessée qui quitte son entreprise et son amant infidèle et se réfugie chez sa mère d’abord, puis chez son père. Celui-ci vit dans une sorte de chalet, séparé de son épouse, qu’il a jadis quitté pour une maîtresse. La vie avec son père oblige la narratrice à reprendre pied dans la routine de tous les jours : les efforts culinaires de son père pour lui faire griller des toasts ne sont jamais concluants, aussi se rend-elle la première à la boulangerie et prépare-t-elle le petit déjeuner elle-même. Mais un soir, c’est autour de l’une de ses recettes à lui qu’ils se retrouvent, apaisés : « l’omelette de papa », une omelette aux oignons, assez lourde, au parfum de beurre. Le secret, dit le père : incorporer le beurre à l’omelette ; pas même besoin ensuite d’en mettre dans la poêle.
Nourriture toujours un peu trop grasse des pères…

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Commentaires
V
Je ne crois pas.
R
@Vanessa : j'aime beaucoup Ang Lee (surtout Ice Storm, mais sa filmographie forme un ensemble hétéroclite mais assez réussi) mais je crois que je n'ai pas vu ce film ; est-il issu d'un roman ?<br /> @patoumi : l'omelette est-elle donc un plat paternel ou du moins masculin ? je me rappelle soudain d'un hôtelier à Bruxelles qui nous préparait pour le petit déjeuner une très fine omelette à un oeuf, comme une crêpe. La recette de ton papa a l'air fameuse.
P
Mon papa faisait une fameuse omelette (sans beurre), à la ciboulette avec à l'intérieur (elle se présentait pliée en deux, comme un chausson), du riz aux oignons et des rondelles de tomates. <br /> La seule fois où il a voulu suivre une recette de cuisine, ce fut pour faire plaisir à ma soeur qui était accroc aux recettes d'Astrapi. Ils jetèrent leur dévolu sur "le riz aux chipos", du riz sauté au safran, aux raisins secs et aux chipolatas, donc.<br /> Ce fut infect.
V
Oh encore un billet comme tu sais si bien les faire. Oui ces entonnoirs! Que c'est intéressant, après les avoir bandés en poupées...<br /> <br /> Et j'espère un petit mot de ta part de "Salé, sucré", cuisine de père, fabuleuse, restituée par le film de Ang Lee
R
Je ne montre qu'un fragment du tableau, en face de la nourrice il y a quatre enfants dans ces paniers qui pleurent et gigotent... <br /> Pour Albert Cohen, "Le livre de ma mère" est très rapide à lire et très touchant ; mais "belle du seigneur" est une belle lecture d'été (pour moi, un début d'été, une pause, et une reprise de lecture à l'approche de la rentrée)
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