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Ce que dit Rose
28 avril 2008

Repas dominical sicilien, pour réconcilier peuple et noblesse - 22

Vous n’ignorez plus ma passion littéraro-culinaire pour Giuseppe Tomasi di Lampedusa, dont les quelques œuvres, en particulier Le Guépard, sont émaillées de morceaux de bravoure gastronomiques. Comme le cher écrivain a eu le bon goût de naître fin décembre, et se trouve donc être un auteur capricorne (je vous dis que nous étions faits pour nous entendre), je m’autorise à lui consacrer un autre billet, capricorne mais culinaire quand même !

Le Guépard relate le déclin de la famille Salina à l’époque du Risorgimento italien. Dominée par l’imposant Fabrizio, elle est obligée de se mésallier avec la bourgeoisie vulgaire représentée par le maire de la petite commune de Donnafugata, don Calogero Sedara, et ceci pour satisfaire l’ambition de Tancredi, le neveu désargenté.
Mais dans la cinquième partie, nous quittons soudainement le milieu aristocratique pour suivre le débonnaire Père Pirrone, le jésuite attaché à la famille Salina, qui rentre dans son petit village de San Cono pour célébrer l’anniversaire de la mort de son père ; il y est devenu une sorte de célébrité et les paysans le consultent pour connaître l’avis du prince Fabrizio sur les événements « révolutionnaires » (mais lorsque le jésuite essaie d’expliquer avec nuance combien la noblesse est difficile à comprendre pour le peuple, combien elle se préoccupe de détails qui paraissent futiles, un vêtement mal repassé, une erreur de protocole, son auditoire s’endort, noyé par la logorrhée du bon jésuite). A son arrivée à San Cono, il est aussi assailli par des souvenirs d’enfance très doux et accueilli par le traditionnel ragoût (concentré de tomate, oignons et viande de mouton) que l’on mêle ensuite aux « anelletti », des petites pâtes en forme d’anneau que l’on garde pour les occasions particulières. Après la messe, les anelletti sont prêts et très appréciés du Père Pirrone dont « la bouche n’avait pas été gâtée par les raffinements culinaires de la villa Salina ».

Ce plat de fête, je comprenais très bien qu’il mette l’eau à la bouche du Père Pirrone ; j’aurais aimé déjeuner avec lui, d’autant que c’est un personnage fort sympathique, tolérant et pacifique, qui est pour le prince à la fois un souffre-douleur et un compagnon d’études (tous deux s’intéressent à l’astronomie). Aussi, lorsque je tombai sur un paquet d’anelletti dans une épicerie italienne, j’essayai cette recette-ci :

-dans une première poêle, faire revenir un oignon, puis ajouter des petits pois.DSCN1515
-dans une autre poêle, faire dorer 500 g de viande hâchée (du bœuf), la cuire avec un verre de vin blanc. Verser encore ½ litre de lait, une briquette de sauce tomate, ajouter des raisins secs, des pignons grillés.
-faire cuire les anelletti, puis les assaisonner avec une autre briquette de sauce tomate.
-enfin dans un plat à gratin, faites plusieurs couches : anelletti, petits pois, viande, anelletti. Saupoudrez de parmesan. Mettre au four 40 minutes à 190°.

Dans le Guépard, c’est à la fois un plat de fête et un plat simple, dénué du raffinement de la cuisine servie aux Salina par « monsù Gaston », le « Raphaël des cuisiniers » tant vanté par Angelica lors du bal, sur les conseils de son fiancé Tancredi (professeur de mondanité, celui-ci lui a appris qu’il fallait toujours louer en comparant avec un exemple illustre, pour ne pas faire provinciale, et le cuisinier des Ponteleone ne saurait rivaliser avec « monsù Gaston »). C’est ce « monsù Gaston » sans doute qui a cuisiné la timbale de macaronis en forme de tour servie au dîner offert par le prince à ses « amis » de Donnafugata le soir de son arrivée : elle semble faite d’or, dégage un parfum de cannelle et de sucre, et recèle une farce de foies de volailles, d’œufs durs, d’émincés de jambon, de poulet et de truffes qui colorent en brun la masse onctueuse des macaronis. Gratin « babélien » qui n’a plus grand-chose à voir avec l’humble ragoût des camapagnards, même si le chapitre 5 nous prouve par ailleurs que tous les hommes, nobles ou non, se heurtent aux mêmes questions : mariage, mésalliance, accords à passer, diplomatie à mettre en œuvre… les mêmes intrigues agitent la petite bourgade de San Cono et le palais du Prince.

Pour le dessert de "Monsù Gaston", à demain...

gu_pard

En Italie, entre autres achats littéraires, je m'offris un magazine de cuisine on ne peut plus italien (la cucina italiana - "dal 1929 il mensile di gastronomia") et quelle ne fut pas ma joie d'y voir évoquée et photographiée cette savoureuse timbale...

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Commentaires
R
Ah la timbale de pâtes parfumée à la cannelle ne laisse pas indifférent... :)
V
Comme je le disais: j'adore ces détails dans une ouvre, un contexte et l'on passe à table avec eux... une sacrée timbale de pâte. et un auteur qui m'intrigue (il faut que je relise ton premier billet)
R
Je reconnais que je ne refuserais pas un gratin doré ainsi farci et je me suis sentie découragée devant la maîtrise de l'admirable "monsù Gaston" ! et je suis sûre que Lampedusa et toi pourriez vous entendre...
P
Oh alors j'ai hâte à demain, parce que la timbale de pâtes m'a ouvert l'appétit!<br /> Je vais fnir par faire une liste dans mon carnet rouge "Rose a dit..." avec tout ce que tu donnes envie de lire!
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