Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ce que dit Rose
6 novembre 2008

Il pleuvait.

Il pleuvait beaucoup sur Paris, mais il y avait tous les chaï de la capitale pour nous réchauffer ; celui, épicé, d’un petit Starbucks (large fauteuil en cuir, gobelet en carton), sur le chemin du G*bert d’où je sortirais réjouie d’avoir trouvé deux volumes de Mélanie Fazi (mais précisément pas le roman que je cherchais ; je reviendrai ; ces deux volumes s’entendent entre autres choses, bien sûr, savamment pesées pour ne pas rendre le retour trop difficile) ; celui, doux et crémeux, du Palais de Tokyo, presque un chaï’ccino, à savourer près du sofa en gaines plastifiées qu’affectionnent les enfants, sous les abat-jour seventies (mais quand même pas dans la chambrette princière posée en haut du Palais).

DSCN2512

Il pleuvait de plus en plus sur le Père Lachaise pendant qu’on nous racontait des histoires macabres de mime assassin par exaspération, de poète-taxi célébrant pour rigoler les clairs de lune à Maubeuge, d’homme politique mort, pour un garrot mal placé, des suites d’un attentat qui ne l’avait qu’égratigné. On remontait le temps, à l’époque où le lieu n’était qu’une colline à la campagne, un jardin pour les Jésuites, et le froid gagnait nos mollets ; enfin il s’avéra que les cafés à la sortie du Père Lachaise ne servaient pas de chaï.

DSCN2544

Au Palais de Tokyo, si. En face, beaucoup de monde se pressait pour aller voir les expositions en cours. Nous fîmes la queue pour entrer, pas très longtemps, puis pour avoir un billet, puis pour laisser nos manteaux, qui n’étaient pas de fourrure, sinon nous n’aurions pas pu les confier au vestiaire (un père expliqua à son fils pourquoi ça et que de toute façon c’était cruel et con, les manteaux de fourrure).

DSCN2545

L’exposition sur les photographes de l’école de Düsseldorf était moins populeuse que le hall, sauf lorsqu’il s’agit de regarder d’un peu près les planches de l’Atlas de Gerhard Richter, des centaines de pages d’imprimés, de photos de famille, de collages, toute une encyclopédie intime. Il y avait là les incontournables châteaux d’eau de Bernd et Hilla Becher, austères et presque victoriens dans l’infinie diversité de leurs formes, et je découvris que Bernd et Hilla, un an avant la mort de Bernd, étaient venus dans ma ville photographier les grands entrepôts au bout des quais (au même instant une autre visiteuse poussa à peu près la même exclamation). Il y avait aussi les impressionnants panoramas d’Andreas Gursky, mais finalement ce que j’ai préféré, ce sont les arrêts d’autobus en plein désert d’Ursula Schulz-Dornburg, aux formes élégamment décalées, les fragments de maisons abandonnées de Laurenz Berges, les rues américaines et les carrières italiennes photographiées avec une objectivité si poétique par Petra Wunderlich, les jardins ouvriers de Simone Nieweg, et les immenses paysages en miroir d’Elger Esser.

La nuit tombait lorsque nous prîmes le petit passage menant au Centre Culturel Suisse, où nous avait menées une curieuse affiche. Sur le chemin, il y avait une boutique de vêtements pour hommes surmontée de la mention « Boulangerie – Pâtisserie ». La pluie hésitait à tomber, les pavés étaient luisants. Une jeune photographe iranienne dont la famille vit en Suisse y associe des monochromes photographiques à des natures mortes si « vraies » qu’on les croirait tout droit venues du XVIIe et fait se répondre formellement un coquillage et les ailes d’un poulet mort.

mus_e

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Merci la source !<br /> Et merci Sébastien pour l'anecdote et le lien : ton ami tire de ces lieux des espaces fantastiques (mais j'y ai retrouvé le château d'eau des Becher !)
S
Voici le lien pour les photos : http://www.bernardbrise.com
S
J'ai un ami, Bernard Brisé qui a fait aussi des photos dans des maisons abandonnées, et notamment dans un vieil immeuble qui devait être rasé. Il me racontait comment il avait été surpris de trouver de véritables mises en scène dans ces pièces abandonnées, des façons de dire l'attachement qu'avaient ces habitants pour ses lieux pourtant difficiles à vivre. Ici une voiture ou une peluche abandonnées, là des photos de famille, toute une foule d'objets mise en scène qui signifiait qu'ils avaient laissé derrière eux une partie d'eux-même, une façon de de hanter l'immeuble jusqu'à sa destruction. On retrouve quelques uns de ces lieux dans une exposition qu'il avait faite : Lieux d'ici et d'ailleurs.<br /> <br /> J'adore l'arrêt d'autobus, un vrai ovni.
L
J'ai pris beaucoup de plaisir à t'accompagner dans cette promenade si bien relatée.
R
J'adore vos anecdotes et la façon dont nous nous croisons presque, juste quelques heures, jours, mois de décalage...<br /> Vanessa : dans la nuit il semblait vraiment médiéval, avec juste la croix suisse qui brillait ; le centre culturel était derrière l'une de ces lourdes portes pas très accueillantes. Si tu as l'occasion, l'expo m'a bien plu.<br /> Patoumi : au café du Palais il y avait aussi plein de gens affairés, tous portables et agendas ouverts... <br /> Lily : moi aussi, ces vues fragmentaires sont mes favorites, elles sont très émouvantes.
Ce que dit Rose
Publicité
Ce que dit Rose
Archives
Publicité