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Ce que dit Rose
7 novembre 2009

La chute d’un mur

Alors que mes souvenirs berlinois étaient revivifiés par les super billets de Vanessa et les reportages sur la chute du Mur, alors que j’hésitais à me plonger dans un roman en VO de Thomas Brussig offert par **D** (tout en sachant que mon enthousiasme allait s’affaiblir au fil des pages semi-comprises et lues à une vitesse neurasthénique), je reçus grâce à Babélio et aux éditions des Allusifs un roman d’Iris Hanika, Une fois Deux (Treffen sich zwei), se déroulant à Berlin et bénéficiant de surcroît de l’attrait d’une traduction qui permit une lecture aisée et divertissante.

une_fois_deuxComme le titre l’indique (en allemand du moins, ce n’est pas parce que je n’ai pas fait un effort de lecture en VO que je ne peux pas pérorer), ce roman est une énième variation sur le « boy meets girl » des comédies romantiques (et des romans Harlequin, l’été est déjà si loin, pense-t-on nostalgiquement, sous le brouillard nocturne de 14h30). Lui : Thomas est ingénieur système (vous ne savez pas exactement en quoi ça consiste ? vous n’êtes pas seul, et ce roman tentera d’éclairer un peu votre lanterne ; enfin peut-être), a une quarantaine d’années, des yeux verts affectés d’un léger strabisme et un corps aux proportions étonnantes. Elle : Senta doit son nom à la passion wagnérienne de ses parents, travaille dans une galerie pour un juriste passionné d’urinothérapie, et consacre une certaine partie de son temps à pleurer, exercice mi-désagréable mi-relaxant qui ne favorise pas forcément sa vie sociale.

Ils sont imparfaits, mais cela ne les empêche pas de se reconnaître instantanément et de céder à cette attraction ; c’est ensuite que ça devient plus compliqué, parce que comprendre ses désirs, accepter les différences de l’autre, c’est tout un chemin à parcourir pour être enfin réuni à l’autre. Tous deux habitent dans le quartier de Kreuzberg, mais le mur entre eux est symbolisé par une promenade entre leurs deux rues le long de l’ancien no man’s land de part et d’autre du mur, transformé en jardin après la réunification.

Comme le titre l’indique aussi (en français cette fois), le style ne va pas précisément être celui d’un roman à l’eau de rose mais le ton est plutôt celui d’un analyste et d’un mathématicien. Nos héros sont un peu comme deux rats de laboratoire dont on étudie les réactions physiologiques et sociales au cours du mois qui suit la rencontre. Au début, ça m’a agacée. Parce que le temps de la rencontre (un instant d’éternité, certes) est démesurément étiré, chaque geste précisé, chaque émoi disséqué.  Ensuite, l’intrigue (ténue, forcément) est interrompue malicieusement par différents chapitres « documentaires » sur des sujets aussi divers que les questions les plus souvent posées sur les études de Senta, les conditions requises pour la réussite d’un « quickie » (rapport sexuel impromptu) ou l’histoire de Kreuzberg.

Mais finalement, malgré l’apparente distanciation de la narratrice, on se laisse conquérir par son humour et par le caractère burlesque de cette histoire d’amour, mise en péril par la fougue même des ébats des amants, culminant dans une scène improbable au restaurant qui mélange déclaration d’amour et scène de rupture… L’analyse des petits malentendus entre Thomas et Senta quitte bien vite le domaine de la pure science humaine pour devenir une comédie du désir et du hasard, d’autant plus jubilatoire qu’elle est cruelle.

Drôle, actuelle et émouvante, mine de rien, voilà une très bonne lecture !

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

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Commentaires
R
... ce qui va les séparer...
R
D'accord, Saphoo ! Mais ce genre de roman "parfait" doit entrer en résonance avec notre tempérament ou notre disposition d'esprit et les romans "sublimes" sont souvent plus graves que celui d'Iris Hanika. Difficile d'être transportée par ces personnages imparfaits (Thomas recherche la tranquillité et s'agace des crises de larmes de Senta, Senta le regarde de haut parce que ce n'est pas un artiste, et ce qui va le séparer est un problème tout de même incongru dans une grande histoire romantique...), mais il y a aussi des passages touchants et surtout beaucoup d'humour !
S
Bonjour rose, il est vrai que l'histoire est fulgurante mais le roman par lui-même pas tant que ça, le roman va au-delà de l'histoire, c'est un tout, en premier l'écriture, l'intrigue, l'intérêt, le questionnement, l'histoire certes, les personnages, je distingue donc l'histoire du roman ... fulgurant pour moi c'est quand tu lis un livre et que tu te sens emportée par un ras d'émotions très vives en tout styles j'entends, et que tu culmines au sommet de l'extase d'un plaisir suprême quant tu tournes la dernière page ... et même refermé, tu ressens encore tous les frissons te parcourir de haut en bas, tremblante vite tu communiques à tes proches ce roman à lire absolument ... je t'avoue que les romans de cette trempe sont rares... voilà j'espère que j'ai répondu à ta question... mais je n'ai pas dit que du mal de ce roman justement je n'arrive pas à me prononcer, je ressens un doute, un trouble... je t'ai répondu sur mon blog pour ton message dont je te remercie. <br /> bon dimanche à toi
R
Saphoo : je ne sais pas ce que tu entends par fulgurant, je trouve cette histoire d'amour tout de même assez fulgurante ! c'est un agréable divertissement, tout en décalage, je pense que c'est ce qui a plu aux Allemands ;)<br /> <br /> Antigone : merci :)<br /> <br /> Vanessa : mais non mais non, c'est mérité ;) <br /> ça doit être bien d'être sur place ! <br /> De Thomas Brussig, j'ai Wasserfarben, et j'avais vu Sonnenallee (le film) qui était très sympa.
V
J'ai des joues qui rougissent! Merci beaucoup - tes mots me touchent vraiment. Ici les médias ne nous parlent que de la chute du mur et lundi j'espère fêter ça avec d'autres Berlinois à Potsdamer Platz. Ton beau billet me donne très envie de lire ce roman bientôt. C'était quel livre par Thomas Brussig? Je ne l'ai pas encore lu mais apparemment Sonnenallee est vraiment drôle.
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