La nuit en nous
1980. Dans un petit village breton, un groupe d’amis
s’apprête à sortir de l’enfance. Plus unis que jamais autour de Maël, un garçon
mystérieux qui vient de s’installer au village, ils vivent leurs derniers fous
rires et leurs derniers jeux d’enfants, inspirés par Goldorak et Star Wars.
Ce qui va les faire basculer dans la gravité de
l’adolescence, le narrateur, Pierre, l’écrit des années plus tard pour son
fils, dont une amie vient de mourir. La douleur de son fils fait remonter les
souvenirs terrifiants du Bonhomme Nuit qui a semé la terreur et la mort dans
leur petit village, bien des années auparavant…
Je suis ta nuit de Loïc Le Borgne est un véritable roman d’horreur, et c’est vrai qu’il faut être prêt à un cortège d’assassinats et de mutilations parfois assez éprouvant. Angoisse face à des interventions surnaturelles, mais aussi horreur psychologique et bien réelle, laissant lorsqu’on referme le roman un sentiment particulièrement amer…
Mais il y a aussi la mélancolie cachée dessous et la reconstitution d’un petit village à l’aube des années 80, ce décor si caractéristique de nos enfances (de la mienne en tout cas) : le village ancien bâti autour de son clocher, et autour les maisons qui poussent et qui repoussent la nature, les champs, les forêts, les marais ; les retrouvailles dominicales avec les copains à la messe, avant d’aller dépenser quelques centimes en malabars ; la nouvelle mythologie amenée par la télé, où les sabres lasers remplacent les épées des chevaliers et les vaisseaux spatiaux les navires des conquérants (peut-être est-ce d’ailleurs un des sens du roman : raconter la lutte entre les personnages des légendes ancestrales _ le Bonhomme Nuit est emprunté au folklore breton _ et les nouveaux héros, Action Joe et autres Jedi) ; les longues randonnées à vélo, les kermesses avec leurs tiroirs délivrant des trésors dérisoires dans des petites boîtes « Joie d’offrir »…
Ce roman recèle aussi des scènes particulièrement poétiques en contrepoint à l’horreur, et j’ai une pensée particulière pour une scène de rencontre, entre les enfants et les pensionnaires d’un asile, d’un côté et de l’autre d’une rivière, scène de communion et de fraternité, avec le fragile salut de la seule fille du groupe, qui agite une branche d’arbre dans la lumière, pour faire voler à la surface de l’eau mille papillons dorés… Le roman accorde d’ailleurs une grande importance à ces jeux d’ombre et de lumière, seigneur de la Nuit oblige.
Après, je n’ai pas toujours été convaincue par le style de l’auteur (et j’ai trouvé la construction de la première partie un peu répétitive) ; mais je me suis laissée entraîner dans cette histoire sombre, dont on veut connaître le fin mot, et je trouve la conclusion, les dernières pages, très nostalgiques, tout à fait à la hauteur de la tension que le roman a mise en place.
On pense beaucoup au grand Meaulnes, Maël, le nouveau venu fasciné par Dark Vador, évoquant le bohémien qui vient transformer les jeux dans l’école des parents de François. Même importance des lieux, enchantés ou quotidiens. Mais cette fois les secrets sont beaucoup plus terribles qu’un amour déçu ou trahi…
Merci à Lily qui m’a prêté ce roman et avait dit là tout le bien qu’elle en pensait.
Clarabel aussi l’a lu et a frissonné.