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Ce que dit Rose
29 février 2008

La nuit en nous

je_suis_ta_nuit1980. Dans un petit village breton, un groupe d’amis s’apprête à sortir de l’enfance. Plus unis que jamais autour de Maël, un garçon mystérieux qui vient de s’installer au village, ils vivent leurs derniers fous rires et leurs derniers jeux d’enfants, inspirés par Goldorak et Star Wars.
Ce qui va les faire basculer dans la gravité de l’adolescence, le narrateur, Pierre, l’écrit des années plus tard pour son fils, dont une amie vient de mourir. La douleur de son fils fait remonter les souvenirs terrifiants du Bonhomme Nuit qui a semé la terreur et la mort dans leur petit village, bien des années auparavant…

Je suis ta nuit de Loïc Le Borgne est un véritable roman d’horreur, et c’est vrai qu’il faut être prêt à un cortège d’assassinats et de mutilations parfois assez éprouvant. Angoisse face à des interventions surnaturelles, mais aussi horreur psychologique et bien réelle, laissant lorsqu’on referme le roman un sentiment particulièrement amer…

Mais il y a aussi la mélancolie cachée dessous et la reconstitution d’un petit village à l’aube des années 80, ce décor si caractéristique de nos enfances (de la mienne en tout cas) : le village ancien bâti autour de son clocher, et autour les maisons qui poussent et qui repoussent la nature, les champs, les forêts, les marais ; les retrouvailles dominicales avec les copains à la messe, avant d’aller dépenser quelques centimes en malabars ; la nouvelle mythologie amenée par la télé, où les sabres lasers remplacent les épées des chevaliers et les vaisseaux spatiaux les navires des conquérants (peut-être est-ce d’ailleurs un des sens du roman : raconter la lutte entre les personnages des légendes ancestrales _ le Bonhomme Nuit est emprunté au folklore breton _ et les nouveaux héros, Action Joe et autres Jedi) ; les longues randonnées à vélo, les kermesses avec leurs tiroirs délivrant des trésors dérisoires dans des petites boîtes « Joie d’offrir »…

Ce roman recèle aussi des scènes particulièrement poétiques en contrepoint à l’horreur, et j’ai une pensée particulière pour une scène de rencontre, entre les enfants et les pensionnaires d’un asile, d’un côté et de l’autre d’une rivière, scène de communion et de fraternité, avec le fragile salut de la seule fille du groupe, qui agite une branche d’arbre dans la lumière, pour faire voler à la surface de l’eau mille papillons dorés… Le roman accorde d’ailleurs une grande importance à ces jeux d’ombre et de lumière, seigneur de la Nuit oblige.

Après, je n’ai pas toujours été convaincue par le style de l’auteur (et j’ai trouvé la construction de la première partie un peu répétitive) ; mais je me suis laissée entraîner dans cette histoire sombre, dont on veut connaître le fin mot, et je trouve la conclusion, les dernières pages, très nostalgiques, tout à fait à la hauteur de la tension que le roman a mise en place.

On pense beaucoup au grand Meaulnes, Maël, le nouveau venu fasciné par Dark Vador, évoquant le bohémien qui vient transformer les jeux dans l’école des parents de François. Même importance des lieux, enchantés ou quotidiens. Mais cette fois les secrets sont beaucoup plus terribles qu’un amour déçu ou trahi…

Merci à Lily qui m’a prêté ce roman et avait dit tout le bien qu’elle en pensait.

Clarabel aussi l’a lu et a frissonné.

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Commentaires
R
C'est effectivement à Stephen King que la note de l'éditeur en 4e de couverture compare Loïc Le Borgne. <br /> Après les "animaux féroces imaginaires" de Vanessa et les massacres dans le roman de Lyonel Trouillot, je crois que j'ai bouclé une boucle et vais moi aussi faire une petite pause dans les lectures horrifiques !
I
hmmm. Au point de vue de l'ambiance et de l'impression que ça laisse, j'ai un instant pensé que tu parlais d'un Stephen King...<br /> <br /> Je laisse de coté : j'ai envie de me changer les idées, par de me mettre des histoires horribles dans la tête.
R
C'est amusant de voir comme on ne s'accroche pas aux mêmes détails... ça me fait le même effet avec les polars, je suis souvent séduite par l'atmosphère et pas tant attentive que ça à l'intrigue (en plus elle me paraît toujours trop lente, par rapport à mon impatience de savoir la fin ;))
C
ah oui, je n'avais pas pensé au grand meaulnes, mais maintenant que tu le dis, c'est vrai qu'il y a un petit côté semblable ... <br /> <br /> je crois que là où tu as trouvé de la nostalgie, moi j'ai trouvé une réalité terne, glauque et un peu abjecte ... cela a ruiné mon moral, tout ça ! mais qu'est-ce que j'ai frissonné ! même quand tu évoques la rencontres avec les pensionnaires de l'asile, je n'ai pas su voir la poésie, non j'étais tout le temps aux aguets ! ... brrr ! ça marque, tu verras.
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