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Ce que dit Rose
20 juin 2010

Tes parents, si ça tombe…

Il était dans une caisse de livres, un matin pluvieux ; les bouquins et les fripes de la foire à tout ont l’air plus désolé sous le ciel gris. Il y avait aussi des nouvelles de Carver. L’un des garçons a dit que les livres se vendaient par trois (pour une misère), alors je me suis penchée à nouveau sur le carton et j’ai hésité ; j’ai fini par prendre un Steinbeck.
Je sais que Patoumi aime beaucoup Hervé Guibert. Vous vous rappelez cet ange blond dont on voyait beaucoup la photo en devanture des librairies dans les années 90 ? (dans mes souvenirs du moins) Son écriture est à l’opposé de cette beauté classique ; tranchante, nette, fouillant les viscères, dégonflant les mensonges et les hypocrisies. J’ai lu il y a longtemps Le protocole compassionnel, qui relate son rapport à la maladie qui allait l’emporter, le sida. Mes parents est l’autobiographie d’un trentenaire (titre mi-trompeur, puisque c’est son enfance et son émancipation que raconte le narrateur, mais il donne comme point de départ de l’écriture la révélation d’un secret honteux et clôt son récit avec la mort de la mère).

guibert
C’est un récit de détestation et d’agacement avec des éclairs d’amour. Il peint un couple uni seulement par le goût de l’argent, marié par calcul (une erreur de jeunesse à maquiller, une situation à obtenir), fui aussi vite que possible par ses enfants, dans la maternité précoce pour la fille aînée, dans le théâtre et des liaisons  réprouvées pour le narrateur. Je ne me suis pas sentie loin d’Annie Ernaux lorsqu’il cherche à mesurer le fossé qui s’est creusé entre eux et lui devenu parisien et écrivain, eux prenant naïvement la mesure de sa notoriété à son apparition à la télévision. Je ne peux m’empêcher d’admirer ces faits posés là, en lumière, ces intimités parfois rebutantes qu’on rejette et cherche à oublier à mesure qu’on se fabrique de nouvelles habitudes, intimités qui paraissent plus détestables quand on est forcé de renouer avec elle à l’occasion. Admirer ce compte-rendu, ce rapport sur eux, sur ça, si intime qu’il devient universel.

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Commentaires
R
Dis donc, tu étais une lectrice sacrément mûre ! J'avoue que ma première lecture de Guibert m'avait déroutée ; je comprends bien pourquoi aujourd'hui, c'est une écriture si honnête qu'elle n'a rien d'aimable ; je m'étais aussi sentie tenue à l'écart par le côté très autobiographique. Mais j'aime bien ton anecdote !
P
Je me souviens bien des vitrines des librairies... Dans les années 90, j'étais au collège et ma mère ne voulait pas que je lise Hervé Guibert. J'en ai donc volés, et en le lisant, j'ai pensé qu'il aimerait ce geste-là.<br /> (le titre du billet est évidemment extra!)$<br /> (il y a aussi un recueil de photo sur ses tantes qui est très chouette)
R
Oui, je me souviens de cette chanson ! Je pense qu'il connaît un oubli relatif après avoir été assez lu dans les années 90, c'est une forme de "purgatoire" littéraire qui est souvent observé ; c'est finalement assez ingrat parce que les rapports avec Annie Ernaux me paraissent assez frappants, mais elle continue à écrire et n'a pas quitté l'actualité... Il sera lu à nouveau, je pense, dans quelques années.
V
J'aime énormément moi aussi Herve Guibert, découvert à travers un album de Jane Birkin mais ce sont plutôt des oeuvres qui parlent de sa maladie que je connais. C'était l'enfant terrible des années 90 mais j'ai l'impression qu'il est malheureusement moins lu aujourd'hui. J'ai hâte de découvrir ce livre.
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