L’heure zéro
Après « Mon petit doigt m’a dit », que Lily nous conseillait récemment de revoir, Pascal Thomas s’est attaqué à un autre roman d’Agatha Christie, « L’heure zéro », avec la même malice (et le même plaisir pour le spectateur).
On connaît la chanson dans les romans d’Agatha : des personnages tous farfelus et suspects sont réunis dans une belle demeure (ou un yacht, ou un train de luxe, ou…). Un crime a lieu. Un enquêteur lui-même un peu siphonné va éclaircir en quelques interrogatoires et quelques intuitions le mystère, et réunir à la fin les suspects pour leur désigner le Coupable ! Lequel est souvent celui qui paraissait le plus lisse. On ne le déteste pas à la fin (le coupable n’est pas forcément antipathique) mais on admire son Œuvre (et l’intelligence supérieure du fin limier qui l’a démasqué).
Comme toujours donc, sont réunis une vieille dame indigne, une gouvernante frustrée, un amoureux éconduit, une épouse abandonnée, une nouvelle épouse hystérique, un flambeur jaloux, un joueur de tennis trop fair-play…
Le Cluedo peut commencer : qui sera la victime ? et qui sera le meurtrier ?
Et c’est bien un Cluedo qui se joue : les personnages sont incarnés par des acteurs formidables, qui les sur-jouent pour en faire des figures, presque des caricatures. Les domestiques de la maison aussi sont croquignolets : la femme de chambre s’entraîne à glisser sur une planche pour dévaler les marches jusqu’à la chambre de sa patronne ou pleure bruyamment et presque mécaniquement. Tous m’ont fait penser aux personnages de Ionesco.
Tout le film joue en effet sur cet absurde léger. L’action est ponctuée par les apparitions d’un manège de musiciens. Et le film s’ouvre (magie des premières scènes) sur des personnages qui ne prendront quasiment pas part à l’action, mais qui nous annoncent un film loufoque (une amoureuse bretonne déclare sa flamme en chantant en chinois).
L’enquêteur est bien sûr du même tonneau et vient flairer les lieux en costume de plage, tout en chantonnant une petite comptine : « Sherlock Holmes Maigret, Miss Marple Hercule Poirot, … » etc etc (et approximativement).
La noirceur n’est pas absente, à travers l’un des personnages féminins, particulièrement éprouvé.
Et c’est bien sûr au cours d’un repas, où l’on décortique des langoustines, déguste des fruits rouges et parle affaires criminelles, que le premier meurtre se décide…
J’ai donc beaucoup aimé cette deuxième incursion de Pascal Thomas chez Agatha Christie. J’ai une certaine réticence envers les romans policiers : j’aime leur ambiance, mais je lis à un rythme effréné pour connaître le coupable, et en principe je suis déçue.
Là je me suis laissé embarquer sans trop réfléchir et j’ai savouré la galerie de personnages, sans me soucier de deviner le fin mot de l’histoire. Bref, les policiers au cinéma, c’est mieux, surtout transformés en pièce absurde.