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Ce que dit Rose
26 janvier 2008

De l’autre côté

Ce qui séduit d’emblée dans le nouveau film de Fatih Akin, c’est qu’il est très romanesque : il est construit en chapitres, et les titres, sauf le dernier, nous annoncent la mort de personnages que nous ne connaissons pas encore : qui sera cette Yeter ? et cette femme, qui paraît indestructible, d’une force de caractère peu commune, comment pourrait-elle mourir ? Ces chapitres sont donc des histoires de deuil : dans le premier, Yeter, une prostituée d’origine turque, est tuée accidentellement à Brême et est « volée » à sa fille, Ayten, qui a dû quitter la Turquie et est justement à sa recherche… Dans le second, c’est une jeune femme allemande, Lotte, qui est arrachée à sa mère, dans des circonstances tout aussi absurdes – un accident dérisoire, alors qu’elle cherchait à aider Ayten, dont elle est tombée amoureuse… Entre ces deux histoires, un fils, Nejat, s’éloigne de son père, auquel il ne pardonne pas d’avoir causé l’accident qui a tué Yeter. Il veut réparer la faute de son père en retrouvant Ayten en Turquie et en payant ses études.
Le troisième chapitre « De l’autre côté »  s’achèvera quand des liens auront été retissés, quand les deuils auront été dépassés et un nouveau couple familial formé. Pour cela, il faut passer de l’autre côté.
L’autre côté de la mer : je n’arrive pas à oublier l’affiche où l’on voit une jeune femme de dos, regardant le rivage qui s’éloigne… c’est plutôt en avion pourtant que les personnages circulent entre Allemagne et Turquie, terres de fuite ou d’expiation…

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De l’autre côté des sentiments surtout : il faut à la mère de Lotte dépasser sa souffrance, sa culpabilité, sa rancune possible envers Ayten qui a catalysé le drame, comme il est nécessaire à Nejat de faire remonter à sa mémoire des souvenirs d’enfance et de fêtes religieuses pour comprendre enfin son père et partir le retrouver…
Le parallélisme entre les deux histoires jette une lumière assez cruelle sur la violence ordinaire dans ces deux pays : le film commence par une manifestation dans Brême, qui fait sourire le père de Nejat et reprend de vieux slogans ; au début du deuxième chapitre, la manifestation à laquelle participe Ayten en Turquie dégénère et, après avoir échappé à la police, elle doit quitter le pays… mais l’Allemagne y renvoie la jeune fille sans papiers, sans vraiment se soucier des dangers qu’elle court en retournant là-bas…
Il y a de beaux portraits de jeunes femmes énergiques, comme Ayten, constamment en rébellion, ou idéalistes et douces comme Lotte, qui affronte la bureaucratie turque par amour pour Ayten ; ou encore celui de Nejat, si bien intégré en Allemagne, qui s’installe cependant en Turquie, tant qu’il n’a pas trouvé celle qu’il cherche, refusant de renoncer à ce qu’il considère comme un acte de justice. A la fin du film, cette fougue ou cet entêtement juvéniles semblent être transmis par Lotte à sa mère, amenée à renouer avec sa propre jeunesse et ces idéaux qu’elle a oubliés.
Mais j’ai préféré le premier chapitre et la figure forte et fragile à la fois de Yeter, un peu opaque et mystérieuse, s’installant dans un bien curieux ménage avec le père de Nejat, et qui de concubine un peu provocante se mue en mère de substitution pour Nejat…

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Commentaires
D
Après Head on, Fatih Akin, avec ce film, confirme son talent de scénariste et de réalisateur. Vraiment très bien et l'histoire sort de l'ordinaire. Je conseille vivement.
R
Bonne séance, alors, anjelica !
A
J'ai bien envie de voir ce film !
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