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Ce que dit Rose
4 janvier 2008

Personne n'est jamais prêt pour Paranoïd Park...

Le nouveau film de Gus Van Sant se présente d’abord comme un petit frère du célèbre « Elephant » : ados décoiffés, fait divers sordide, longs plans ralentis dans les couloirs interminables d’un lycée américain, fascination pour les images un peu vides de la culture adolescente, ici la communauté des skateurs, mêmes plans langoureux et suspendus sur des visages à la beauté éphémère ou sur des figures aériennes.
Mais le scénario est cette fois inspiré d’un roman et la construction est beaucoup plus complexe : ce n’est plus la lente attente d’un massacre tragique, mais un kaléidoscope de scènes livrées en désordre, revues une deuxième fois, à la lumière d’un événement terrible, pressenti puis révélé au milieu du film.
Alex Tremain est un garçon comme les autres ; il a une famille certes un peu chamboulée par la séparation des parents (mais tout le monde divorce, dit le héros), une petite amie très jolie, un camarade avec lequel il fait du skate (pas très bien), il va au lycée du coin où les cours ronronnent…
Un jour pourtant, tous les skateurs de l’établissement sont convoqués pour rencontrer l’inspecteur Lu. Un vigile vient d’être découvert mort, coupé en deux par un train, à proximité de Paranoid Park, une friche qui sert de lieu d’entraînement pour les skateurs et où se rencontre une faune un peu douteuse… La police a écarté la thèse du suicide ; quelqu’un l’a poussé sur la voie, et un train arrivait… Tout près de Paranoïd Park, que viennent juste de découvrir Jared et Alex, alors que celui-ci ne se sentait pas encore assez bon pour s’y entraîner. « Personne n’est jamais prêt pour Paranoïd Park » avait répondu Jared…
Cet Alex est campé par un jeune acteur parfait, qui allie la grâce adolescente si chère au réalisateur et un visage encore plein des rondeurs de l’enfance. Son personnage est un adolescent attachant, avide de légèreté, d’apesanteur, de liberté, aspirant au temps suspendu des figures de skate-board. Il peine à les réaliser lui-même et les conséquences d’un autre jeu vont définitivement couper les ailes de ce papillon pas encore complètement sorti de sa chrysalide… Le personnage mime d’ailleurs cet échec à la fin, lorsqu’il s’allonge devant le pavillon de sa mère, comme s’il était mort.

alexparanoid

Heureusement, le film est aussi une histoire de rédemption, et celle-ci s’opère grâce à Macy, une jeune fille très perspicace.
Ce qui m’avait agacée dans « Elephant », c’était la représentation des filles : des cruches qui se faisaient vomir dans les toilettes, un laideron certes plus sympathique, mais la première tuée. Aucune figure angélique comme pouvait l’être le jeune garçon blond, peu de complexité alors que les tueurs eux restaient mystérieux. Cette fois, on retrouve l’opposition entre la belle un peu sotte, incapable de comprendre le héros, et Macy au visage dévoré par l’acné, dont le franc-parler rappelle un peu la Claire de Six Feet under.
En ce qui concerne la représentation des adolescents, le film inverse les rôles des productions américaines pour teenagers : si Jared abandonne son copain un soir pour une fille, la belle Jennifer reproche à Alex de s’intéresser plus au skate qu’à elle, et c’est elle qui veut coucher avec lui, pour que tout devienne « sérieux »…
Mais la vie d’Alex est déjà devenue sérieuse et pesante, et c’est l’autre jeune fille, celle qui l’écoute, ou essaie de le faire parler, qui pourra le libérer un peu de ce fardeau…
Peut-on bouder un film qui fait l’éloge de l’écriture (certes d’abord de sa vertu thérapeutique), et qui se construit comme la mise en image de ce récit subjectif jeté sur le papier ?
La voix off d’Alex m’a fait penser à celle du héros de l’Attrape-cœurs, lui aussi à la dérive, comme absent à lui-même.
(Mais je suis sûre que Gus Van Sant donne à l’histoire un relief qu’elle n’a peut-être pas sur le papier ; je pressens un livre un peu trop bavard, alors que le réalisateur se contente de phrases anodines et pourtant prémonitoires : Noone is ever ready for Paranoid Park).
Et pour les plans nostalgiques, suspendus et tragiques, j’ai pensé à Virgin Suicides ; c’est vous dire combien j’ai été touchée par ce film !
Un beau portrait d’adolescent donc, pas décérébré comme ceux d’Elephant (les meurtriers et les autres), mais un garçon complexe, à la fois innocent et coupable.   

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Commentaires
R
Merci de ta visite, Mina ! Tu confirmes donc que le livre est moins bien... en tout cas même sans faire de skate je trouve qu'on ne peut être que transporté par le film !
M
bel article qui montre la splendeur de ce film... fesant du skate j'ai été peut-être un peu plus concerné, mais vraiment il marque tous les esprits... Gus van sant arrive à nous plonger dans l'univers qu'il veut (comme la plupart de ces films) et à nous transporter dans un monde entre le réel et l'irréel! à lire aussi le livre certes beaucoup moins bien mais qui nous fait replonger dans cet ambiance...
R
Après coup je m'inquiète. J'suis trop forte ? tu veux dire que j'arrive à dégoûter les gens de revoir un film ? pour la peine je profiterai de la première occasion pour revoir "elephant" !
R
ah, Virgin Suicides ! et est-ce que tu as lu le roman de Jeffrey Eugenides ? je l'avais beaucoup aimé aussi !
P
Ah. Merci. J'avais oublié. C'est exactement ça. T'es trop forte Rose.<br /> Alors pas la peine d'aller le louer au Videorama!<br /> (ou alors, revoir Virgin suicides^^)
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