Persépolis et les pieuvres
**Ceci n’est pas un ambitieux projet de film d’action.**
Je n’ai pas vu Persépolis. Je n’ai pas entendu Marjane parler avec la voix de Chiara Mastroianni (et je le regrette).
Bien sûr, j’avais apprécié l’éclairage que la BD apportait sur la vie quotidienne en Iran et les absurdités d’un régime peu respectueux des libertés individuelles. Mais je crois que mon tome préféré est le troisième, celui où Marjane devient adolescente et part vivre en Allemagne (ou en Autriche), et où elle sombre dans la dépression la plus noire, attristée par la distance qui se creuse entre elle et sa famille, redoutant de ne pas être à la hauteur des attentes des siens, alors qu’elle est en sécurité en Europe.
Ce que j’aime aussi bien sûr, c’est l’humour de la dessinatrice et j’avais beaucoup ri devant la planche qui décrit les transformations du corps à l’adolescence ; Marjane se métamorphose alors en une sorte d’Hulk, de mutant affreux, comme on le voit ici :
Cela m’amène au film que j’ai réellement vu cet été et qui n’est pas si éloigné de ce tome de Persépolis, puisque Naissance des pieuvres traite aussi des métamorphoses de l’adolescence mais cette fois les héroïnes deviennent des pieuvres : parce que deux des filles pratiquent la natation synchronisée, discipline fascinante de sirènes maquillées et hyper-féminines, et qu’une belle scène sous-marine nous révèle par les yeux de Marie les frénétiques battements de pieds et de bras des « pieuvres » pour se maintenir à la surface et réaliser hors de l’eau leurs gracieuses évolutions…
Parce que les trois filles nagent en eau trouble (Marie sous le charme de la belle nageuse Floriane, son amie Anne prête à tous les rituels puérils pour obtenir un baiser d’un beau garçon du water-polo, et enfin Floriane, prisonnière de sa beauté et de ce que les autres attendent d’elle) et vont tenter de saisir l’objet de leur désir, sans vraiment y réussir.
Cette métamorphose de l’adolescent en monstre ou en animal me fait encore penser à un autre film que j’avais adoré, Ice Storm d’Ang Lee (inspiré d’un roman de Rick Moody, Tempête de Glace). Dans cette histoire, Paul interprète ses relations difficiles avec sa famille à la lumière des Quatre Fantastiques. Dans l’épisode que lit Paul, Red Richards, le savant élastique, plongé dans des problèmes à la fois conjugaux avec Jane, la femme élastique, et dans des problèmes cosmiques de super-héros, teste sur son fils Franklin une nouvelle machine antimatière qui doit stabiliser l’état de celui-ci _ Franklin luit comme une bombe atomique. Hélas ! la force ionisante ( ?) éteint non seulement le feu atomique des yeux de Franklin, mais aussi leur feu vital (to be continued)…
De la même façon, les parents de Paul expérimentent la liberté sexuelle des années 70 – et ses limites, laissant leurs enfants vivre leurs propres expériences, et la fin les plongera tous dans le chaos d’une tempête, dont ils ne sortiront pas indemnes…
(Ce film avait même entraîné chez moi l’achat d’un exemplaire des Fantastic Four, auquel je n’avais hélas pas trouvé la même saveur que Paul.)